jeudi 21 mai 2015

Vente à la sauvette: une activité florissante à Cotonou


 
Pour assurer leur survie et parfois celle de leurs proches, des milliers de jeunes s’adonnent à la vente à la sauvette de petits articles manufacturés et autres dans les feux tricolores de Cotonou.

Carrefour UNAFRICA sur le boulevard St Michel menant  à Dantokpa le plus grand marché du Bénin, il sonnait 11H30 ce mercredi. A cette heure de la journée,  la circulation sur les quatre grands axes convergeant à ce grand carrefour était déjà celle des heures de pointe.  Debout sur l’estrade de la police nationale installée  au beau milieu du carrefour, un agent  sifflet à la bouche, régule la circulation en lieu et place des feux tricolores en panne.  Au carrefour UNAFRICA comme à tous les carrefours dotés de feux tricolores dans la ville de Cotonou, on ne fait pas que circuler. On sait aussi s’arrêter. Surtout quand le feu passe au rouge ou quand l’agent de la police vous fait signe de vous arrêter. C’est des moments rêvés pour les vendeurs à la sauvette. Tel un essaim d’abeilles, ils vous envahissent dès que vous marquez l’arrêt et vous proposent sans aucun protocole divers articles qu’ils tiennent dans les mains ou sur la tête. Mon véhicule était encore en mouvement quand l’un d’eux s’agrippa à ma portière avec un lot de couvre-volant. Et la conversation s’engage:

‘’bonjour missié ! joli couvre volant pour votre voiture à bon prix. Combien ? 5.000 francs seulement. Si tu acceptes 1000 F je prends. 1000F  c’est l’argent mais y a pas moyen prends ça à 3.000F. Moi j’ai 1.500F  dernier prix. On est le matin, envois l’argent’’.

Une activité qui nourrit son homme…

Le jeune homme qui vient de me céder le couvre-volant, s’appelle Karim. Il est nigérien. Il vit à Cotonou depuis dix ans. Avant de devenir commerçant d’articles pour voitures, il a vendu des cigarettes et c’est avec ses économies qu’il s’est lancé dans son nouveau commerce grâce à un ami nigérian. Son petit commerce a permis à Karim de louer une chambre entrée couché au quartier Zongo, d’entretenir sa femme et leurs deux enfants restés à Zinder au Niger. Toujours avec son activité, Karim fait des économies. ‘’Avec l’argent que je mets de côté, je pense rentrer au Niger et monter une petite affaire pour mieux m’occuper de ma petite famille’’, se confie-t-il.

Comme Karim, ils sont une centaine au moins à s’adonner à la vente à la sauvette aux quatre feux du carrefour UNAFRICA.  Pour la plupart des jeunes, cette activité constitue un moyen de lutter contre la misère ambiante dans laquelle ils végètent. ‘’Je fréquentais au village mais à la mort de mon père, il n’y avait personne pour me supporter. J’ai dû abandonner les classes pour m’adonner à ce commerce qui non seulement me permet de subvenir à mes besoins élémentaires mais aussi à ceux de ma mère malade au village’’, explique Akotègnon, un natif de Zè dans le département de l’Atlantique.

Mariam elle, est originaire de Kandi (Nord-Bénin). ‘’Je vis avec ma tante ici à Cotonou. Je suis élève en classe de 1ère. Depuis la mort de son mari, ma tante n’arrive plus à satisfaire tous les besoins de la famille. Pour lui venir en aide, je profite de mes heures libres et de mes jours de repos pour venir vendre des sachets d’eau glacée à ce carrefour. C’est une activité rentable. On ne sort jamais perdant et je me plais à le faire’’.

Longtemps restée une exclusivité des étrangers, la vente à la sauvette est prise d’assaut ces dernières années par les nationaux tenaillés par le chômage et la crise économique généralisée. Mais la présence des étrangers notamment les Nigériens et les Nigérians est toujours plus remarquable. Il est loisible de les reconnaître grâce à leur accent.

Une activité florissante mais…

Si la vente à la sauvette permet à ceux qui s’y adonnent de tirer leur pitance, il n’en demeure pas moins que c’est une activité à risque. D’abord pour l’acheteur. Les  articles vendus coûtent souvent moins cher ce qui a priori renseigne sur leur qualité. Ces articles n’offrent  aucune garantie à l’acheteur. Et il n’est pas rare de voir le bijou acheté la veille refuser de fonctionner le lendemain. ‘’C’est le prix à payer’’, admet jacques un habitué des lieux.   Ensuite pour le vendeur lui-même. La vente à la sauvette, s’exerçant en pleine chaussée, expose les vendeurs aux accidents de la circulation. Il faut ajouter à ceci les représailles dont ces vendeurs sont souvent l’objet de la part des forces de l’ordre. Enfin pour l’Etat. Cette activité s’exerçant dans l’informel, elle échappe au contrôle fiscal des services d’impôts et constitue un grand manque à gagner pour l’Etat.

En dépit de son caractère informel et des risques qu’elle comporte, la vente à la sauvette nourrit des milliers de Béninois. Ces derniers disposant du minimum vital ne constituent plus un souci majeur pour l’Etat. Il reste à souhaiter que l’activité soit mieux organisée pour une meilleure sécurisation des acteurs et leur pleine participation à l’œuvre de  développement de notre pays. 

Urbain Sessou