dimanche 24 mai 2015

Dantokpa, le milliardaire qui vit sur un tas d’immondices



Le marché Dantokpa de Cotonou(Bénin)
Installé sur dix hectares, Dantokpa est fréquenté aussi bien par les béninois que les ressortissants de toute la région de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale et de l’Afrique du sud.
Des financiers évaluent à au moins un milliard de francs CFA le chiffre d’affaire réalisé par jour dans ce marché.
Pour un chiffre d’affaire d’environ 500 milliards par an, Dantokpa à lui seul peut faire deux, trois voire quatre fois le ‘’budget réel’’ de l’Etat béninois.
C’est pourtant ce milliardaire qui végète dans un environnement malsain.

Avec à peine 20 toilettes et cinq point d’eau pour près de 250 000 personnes environ par jour, 12 500 personnes par latrine, 50 000 personnes par point d’eau, le marché international de Dantokpa, l’un des plus grand marchés de l’Afrique de l’Ouest, croupit sous un tas d’immondices.
L’eau qui suinte la conduite d’eau de pluie présente un visage verdâtre, pas question de passer sans pincer le nez.
Dans une baraque, un agent de la SOGEMA (Société de Gestion des Marchés Autonomes) délivre des tickets. Sur ces bouts de papier, on peut lire ‘’W- C : 25 F, usage unique’’. Le besoin est là et presse des usagers obligés de garder leurs narines.
A quelques mètres de là, des puisards qui dégagent des odeurs nauséabondes, depuis des mois, les latrines n’ont pas été vidées.


Latrines de fortune du marché Dantokpa
Des vendeuses de nourritures installées le long de la rive, cohabitent avec les mouches qui de temps en temps font la navette entre les latrines de fortune bâties sur pilotis, et les étals.
Nous sommes avec les vendeuses de poissons qui vantent leurs produits. Derrière elles, le grand égout à ciel ouvert du CEG Dantokpa.
Le long cet égout où sont jetés pèle- mêle des ordures, les eaux usagées, les boites de conserve, des restes d’aliments, des tomates pourris et des sachets noirs contenant je ne sais quoi c’est le quartier général des vendeuses de tomates.
Nous nous approchons de la lagune, un premier bac à ordures, un second, un troisième puis un quatrième. Tous vides ! A peine avons-nous soulevé la tête que le spectacle d’enfants installés entrant de se mettre à l’aise nous accueille.
Des femmes écartent les jambes, remontent leurs pagnes et arrosent à volonté les tas d’ordures.
Du point de vue déchets, à peine la moitié est ramassée par la société en charge de ce marché. Le reste est jeté, soit au bord de la lagune pour ne pas dire dans la lagune, soit dans les caniveaux qui sont prévu pour servir à l’écoulement des eaux de pluie ou encore enterré dans des hangars.
Pour prélever les taxes ils sont champions. Mais ils sont incapables d’entretenir le marché et pour le ramassage des ordures c’est un véritable scandale ! Quand ils ont envie de jouer à un simulacre de ramassage, c’est en plein jour, accuse un usager du marché.

Nous n’avons pas les moyens matériels et humains pour accomplir convenablement notre travail, oppose un agent de la société de gestion.
En vérité, ce sont les usagers eux- mêmes qui participent à la pollution de leur milieu de travail et pourtant la majorité c’est des femmes et je me demande comment elles entretiennent leurs maisons. Des excréments dans des sachets, de l’urine sur les voies pavées, certaines parmi elles profitent des moments où la clientèle se fait rare pour se soulager derrière leurs étals, déplore Kakpo Euloge, un environnementaliste.
Entant qu’usagers, ils ont l’obligation d’entretenir les lieux d’exercice de leurs activités et d’acheminer les ordures vers les dépotoirs. Il faut les associer pour le bon fonctionnement de ce grand marché en particulier et de tous les marchés du Bénin en général.
Les usagers ne se rendent pas compte que pour un corps sain, il faut un environnement sain.
Sous la révolution, la campagne de salubrité mobilisait toutes les femmes le samedi. Cette solution lorsque vous l’évoquez aujourd’hui, on vous traite d’homme d’une époque révolue.
Le mal est pourtant là et de peur d’être traité de dictateur, personne ne veut prendre de décision.
Lorsque vous parlez de salubrité, l’on vous répond : « Nous sommes en démocratie » ;
La démocratie c’est l’insalubrité ?, s’indigne Aboudou Djossou, vice président de l’Adees (l’Association pour la défense de l’environnement écologique et social).
Et pourtant il faut que les autorités réagissent un jour!
Brice Edmond TCHIBOZO