Les chiffres l’évoquent
et nous situent clairement sur un phénomène qui prend de l’ampleur et évolue à
un rythme qui échappe à notre société et les autorités chargées de la
gouvernée. 8 % des adolescentes et jeunes filles sont mariées avant l’âge de 15
ans ; une fille sur trois donne naissance avant d'atteindre l’âge de 18 ans ; la prévalence
contraceptive chez les adolescentes (15-19 ans) est de 4% et 6% chez les jeunes
(20-24 ans) nous renseignent des
statistiques du Fonds des Nations Unies pour la Population au Bénin (Unfpa).Une
réalité qui est déjà là et menace une population adolescente fragile et sans
protection. Il faut maintenant agir davantage pour éviter ce qu’il convient
d’appeler « une tragédie » pour la société de demain.
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une adolescente enceinte |
Elle
se nomme G. Adeline. 14 ans, élève en classe de quatrième dans un collège privé
de Porto-Novo. Sa petite taille en ajoute à son jeune âge mais elle est loin de
l’être maintenant. Elle sera bientôt mère sinon fille-mère parce qu’elle porte
en elle la vie, comme l’avait porté sa maman Mme G. Paulette qui l’a accompagné
ce matin de jeudi à la clinique pour sa routine consultation prénatale. Elle
n’a pas le choix car « dans notre
religion l’avortement est interdit… » nous confie Mme G. Paulette qui ajoute
« seul Dieu pourra nous aider à éduquer
les filles que nous mettons au monde aujourd’hui ». Adeline elle, ne maîtrise pas grande chose de sa situation actuelle. Elle sait juste qu’elle porte une
grossesse d’un copain de quartier élève en classe de seconde avec qui elle a eu
des relations sexuelles par deux fois selon sa confession sous les regards indignés de sa génitrice. Tout
comme la petite Adeline, elles sont des dizaines d’adolescentes entre 15 et 19
ans parfois moins qui portent une grossesse et suivies dans les centres de santé de la ville de Porto-Novo. Il suffit
de consulter les registres de consultation prénatale pour constater cette
triste réalité de grossesses précoces chez les adolescentes dans nos grandes
villes et encore plus dans nos milieux ruraux où la jeune fille est encore
moins protégée.
Le
prix de la démission de la famille
La première cause des
grossesses précoces chez les adolescentes est le manque d’éducation sexuelle
par les parents avec la presque incapacité de ces derniers d’instaurer un
dialogue parents-enfants sur les questions relatives au sexe dans le foyer. Le
sexe jusqu'à nos jours continu d’être le sujet le plus difficile à aborder par
les parents avec les enfants. Cela relève tout simplement du tabou. Les enfants
sont donc sur ce plan livré à eux-mêmes dans un monde en perpétuel évolution où
ils ont contre tout attente, une variété
de canaux de communication qui les mettent face à ce que de peur les parents
leur cachent. Télévision, internet, téléphones portables, documents illustrés sont
quelques premières sources de communication qui apportent à l’adolescentes
toutes sortes de produits bon ou mauvais en considération de leurs âges. Déjà à l’école, en groupe d’âge,
au terrain de sport, à l’étude, les adolescentes par le biais d’un simple téléphone
multi média visualisent des extraits de films pornographiques, des romans
illustrés du même genre, visualisent des sites à caractère pornographique
accessibles par simple clic lors de leurs travaux de recherche sur internet,
s’essayent à des attouchements corporels déplacés en absence d’adulte, comparent
leurs corps à celui de leurs stars préférées des feuilletons et finissent par
faire le pas de trop faute d’encadrement bien attendu qu’à leur âge on ne
saurait les condamner pour leur esprit de discernement. Ce que les parents
craignaient en tentant de maintenir les enfants dans l’ignorance survient
finalement parce qu’ils n’ont pas pris le temps pour semer dans l’esprit de la
petite fille les germes de la défense contre les tentations qui surviennent de
tout part autour d’elle. Le résultat, les parents n’ont que leurs yeux pour
constater. Pendant ce temps il est déjà trop tard pour agir. Petite fille
sacrifiée sous l’autel du tabou autour du sexe.
La
réalité sous les yeux, que faut-il faire ?
Comment arriver à zéro
cas de grossesse avant l’âge de 18 ans minimum ? Voilà la campagne qu’on
aurait suggéré que notre pays mène pour basculer la tendance actuelle où une
fille sur trois donne naissance avant d'atteindre l’âge de 18 ans où 8 % des adolescentes et jeunes
sont mariées avant l’âge de 15 ans et dans le même temps 30% des
filles déclarent que
leur première expérience
sexuelle était forcée selon des chiffres officiels. Cela démontre tout
simplement qu’il y à des actions à mener pour protéger la jeune fille. Bien
vrai que l’Assemblée Nationale a joué une part de responsabilité en votant des
textes de loi qui protègent la jeune fille de tout acte portant atteinte à sa
vie sociale, sexuelle ou affective mais il reste toujours à faire pour
renforcer davantage cette protection. Au delà de tout ce qui relève du
juridique, le fondement de la société
que constituent la famille et la communauté doit être touché par des actions de
sensibilisation et de communications régulières pour faire comprendre pourquoi
il faut protéger la jeune fille de ce fléau de grossesse précoce. Ainsi la
promotion du dialogue parents-enfants est un impératif. La promotion de l’éducation
sexuelle des adolescentes par la famille doit être renforcée et l’engagement
contre les mariages contractés avant l’âge de 20 ans doit être une lutte
citoyenne dans nos communautés.
Comprendre les
conséquences pour mieux agir
Les conséquences des
grossesses précoces chez les adolescentes sont multiples. Elles se font sentir
tout au long de la vie de ces filles et se répercutent sur leurs enfants. Si
l’abandon précoce de l’école est la conséquence immédiate pour les adolescentes
qui contractent une grossesse pendant leur cursus scolaire, l’arrêt précoce de
l’apprentissage en est une pour celle dans les métiers de l’artisanat par
exemple. Mais au delà de ceci, elles subissent toutes, scolarisées ou non des
conséquences inhérentes à leur statut de femme fragile. Dans les pays sous développés
comme le Bénin, les complications de la grossesse et de l’accouchement
demeurent la principale cause de décès parmi les adolescentes âgées de 15 à 19
ans. Les adolescentes et les jeunes femmes affrontent aussi des taux élevés de
morbidité et de mortalité du fait d'avortements non médicalisés. Selon des
analyses de l’Unfpa, les cas de mortinatalité et les décès sont une fois et
demie plus nombreux pour les bébés nés de mères âgées de moins de 20 ans que
pour ceux dont les mères ont de 20 à 30 ans. Ceci démontre aisément que
non seulement les filles souffrent pendant neuf mois pour supporter la
grossesse mais aussi les chances de vie du bébé sont minces du fait de la
fragilité de la maman adolescente. Autant de conséquences qui mettent à mal les
efforts que fournissent les autorités pour l’atteinte de l’un des Objectifs du Millénaire
pour le Développement (Omd) qui vise à réduire considérablement le taux de
mortalité maternelle d’ici fin 2015.Comment le Bénin peut-il y arriver si le
mariage précoce reste encore une triste réalité de telle façon que des filles
qui n’ont pas la maturité physique, affective et même sociale nécessaire sont
obligées de devenir mères au risque de leur vie. La préoccupation mérite une
solution car dans nos communautés le mariage de fille immature est une réalité
sociale et tant que cette situation ne sera pas résolue dans la conscience
collective de ceux qui encouragent la pratique, de nombreuses adolescentes
continueront de subir parce qu’elles sont loin de revendiquer leurs droits.
Que préconise
l’Unfpa ?
Pour basculer la tendance d’ici quelques années il va falloir que le
Bénin s’engage davantage à investir dans la jeunesse préconise le Fonds des Nations Unies pour la
Population au Bénin très préoccupé par la situation. Des investissements
stratégiques et faits de bonne heure dans l’éducation, la santé et les moyens
d’existence des adolescentes, parallèlement à la protection de leurs droits
fondamentaux, peuvent avoir de nombreux impacts positifs sur la vie des
adolescentes, notamment la réduction du nombre de grossesses risquées ou non
désirées. Dans un contexte où la prévalence contraceptive chez les adolescentes
(15-19 ans) est de 4% et 6% chez les jeunes (20-24 ans), il est nécessaire de
fournir aux adolescentes un ensemble de services notamment la contraception, la
prévention et le traitement des IST et du VIH sida, les services de santé maternelle
et les services d’après avortement. A cela doivent s’ajouter l’éducation sur les questions de santé sexuelle et reproductive. Mais un autre
engagement qui nécessite le soutien des communautés pour mieux protéger les
filles c’est d’empêcher le mariage précoce des enfants qui reste un fait dans
nos villes et villages. Il faudra veiller à ce que les filles soient scolarisées et
maintenues à l’école au-delà de l’enseignement primaire tout en remédiant aux
facteurs sous-jacents qui perpétuent la pratique des mariages de petites filles.
Tout ceci devrait contribuer à la
promotion d’une fécondité responsable et contribuer à réduire le taux de
fécondité précoce chez les adolescentes. Le résultat devrait permettre de créer
une société plus équilibrée avec des enfants issus de mères matures et
sexuellement responsables.
Bismarck Sossa
Etudiant Cesti/Cnman