mardi 28 juillet 2015

Le village de la poterie


Dans la tranquillité de ce trou perdu hors du temps, en bordure de la route Comé- Lokossa, les femmes de Sè ont trouvé un coin d’humanité, le bonheur et la valeur qui leur faisait tant défaut.

Le village est niché à la montée d’une route serpentée, à quelques encablures de la route Comé- Lokossa, tout juste avant le village de Zoungbonou, c’est un nom qui fait sourire : ‘’ Sè’’.
Sè, un arrondissement de la commune de Houéyogbè est le village de l’artiste béninois Eric Thomson.
Tous les randonneurs et les amateurs d’art connaissent le village de poterie, à quelques quatre-vingt-dix (90) kilomètres de Cotonou
Vous craignez de vous tromper ? Pas de problème.
Demandez le village de Zinli Gbété, au plus turbulent des enfants de comé ou suivez la route principale Comé- Lokossa jusqu’au village où la poterie vous accueille.
En face vers le levant, après le village de Allogo, vous allez voir un village qui ressemble à un ancien champ de bataille. Ne vous dédaignez surtout pas, l’intérieur bien que modeste est propre et joliment décoré. C’est là que vivent emprisonnées une population qui façonne de ses doigts de fée service, pots, vases, sculptures, décorations la fabrication de plats, de casseroles de cuisine, de jarres, de pots de fleurs et autres objets d’art à base d’argile cuite qui épatent tout le monde, à partir de matériaux très rudimentaires.
C’est dans de grandes poteries de 0,50m à 1,20m de haut qu’est conservée la réserve familiale d’eau pour les saisons sèches.
C’est au moyen de poteries de forme semblable, mais plus petite que les femmes vont chercher de l’eau à la rivière. Ces poteries ont une capacité variant, de 20 à 30 litres.
C’est dans des poteries de formes variées que la majorité des femmes font toute la cuisine ; ces récipients au contact du feu acquièrent d’ailleurs une solidité beaucoup plus résistante que les autres ; elles finissent peu à peu par être cuites à une température appréciable pour leur conservation.
La fabrication de la bière de mil boisson très répandue dans les régions du septentrion du Bénin, dans de grands pots d’argile cuite pour donner à cette boisson un goût particulier et très apprécié ;
Dans certaines régions, c’est dans des poteries que l’on fume et que l’on conserve la viande et le poisson ; dans d’autres régions, les jarres moyennes de 40 à 60 litres servent de réserve pour l’huile de palme, de palmiste et l’huile de karité.
En général dans les villages, les gens prennent leur nourriture dans des bols assiettes en poteries de fabrication locale.
La femme de Sè aussi discrète se forge une personnalité simple et complexe à la fois mais elle n’est pas n’importe qui. Sous ses airs de rêveuse secrète se cache une grande artiste qui a fréquenté la meilleure des écoles d’art, l’école de savoir faire des anciennes car la fabrication des poteries se transmet de mère en fille.
Ce qui meut cette grande âme, c’est l’espace, le temps, les gens, le sentiment d’être utile à la société.
Dans la tranquillité de ce trou perdu hors du temps, célèbre pour ses poteries, les femmes de Sè ont trouvé un coin d’humanité, le bonheur et les valeurs qui leurs faisaient tant défaut dans un pays où le chacun pour soi à pris le dessus du bonheur pour tous.
Aux dires des femmes de cette localité, le travail se fait tous les jours, sur commande ou non. La matière première ramenée des bas-fonds est séchée au soleil puis trempée dans de l’eau et pétrie avec les pieds et les mains. Un véritable travail traditionnel. Vient ensuite le moment décisif : le façonnage de l’argile pétrie en différents objets de cuisine, de décoration et parfois de construction (Tuile). Une journée entière de soleil permet de sécher l’article au « four » pour le rendre dur. La cuisson des tuiles, quant à elle, dure dix heures de temps en moyenne et celle des canaris cinq heures. Voilà en substance comment se font les jarres dont la seule évocation fait penser à l’arrondissement de Sè dans la commune de Houéyogbè.

Pour les habitants du village de Sè, pour les curieux ou même pour les clients et amis du village, Sè épate de part le géni de ses filles.
Cependant, malgré son extrême amabilité et affabilité, ne pousser pas trop la curiosité de demander à une fille de Sè de vous raconter l’histoire de sa localité si vous ne voulez pas rater la suite de votre voyage.
Tant pis. Pour les besoins de la cause, il nous faudra bien faire dérogation à la règle.
Cette localité aussi discrète, doit sa renommée simple et complexe à une dame du nom de « maman Viangansi. Mère fondatrice de la poterie, Viangansi aurait eu la révélation du génie « agué » dans la forêt qui lui aurait communiqué ce savoir. Elle aurait observé les génies de la forêt manipuler l’argile. Après une disparition  de trois mois sept jours,  » maman Viangansi » serait réapparu, les cheveux en broussaille. Et depuis son retour, Viangansi  aurait commencé par manipuler l’argile et lui donner des formes qui serviront dans le quotidien de la population.
Brice Edmond TCHIBOZO